La rencontre avec Morgane s’est déroulée chez elle. C’est chez elle qu’elle travaille. Une pièce de son appartement est consacrée spécialement à son savoir faire. Morgane est designer textile. C’est un des six lauréats 2015 du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, organisé par Ateliers d’Art de France. Elle crée des tissus toujours à la recherche de nouvelles matières, de nouvelles hybridations. Elle cherche, trouve, expérimente. Dès qu’elle ouvre la porte de son atelier, le métier à tisser prône dans la pièce. Il embaume la pièce, une douce odeur de bois se dégage de son outil de travail. Très rapidement, elle s’installe sur sa chaise pour commencer à me monter son travail. La canette de fil d’inox passe et repasse sous les fils de coton blanc, les fils se soulèvent au grès de pédales qu’elle actionne. Des gestes répétés, précis, qui créent une musique rythmée. Ce fut une douce après-midi passée chez elle.
Pour comprendre un peu plus son travail, je lui ai posé quelques questions.
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01/Pour commencer, quelle est ta formation professionnelle ?
J’ai étudié les techniques textiles au Département Textile de l’ENSCI (Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle). Une formation qui lie théorie et pratique, j’ai appris le tissage sur métier à tisser, ainsi que la maille, la sérigraphie, la teinture…
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02/Comment ce métier rare t’est venu ?
D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours aimé « bidouiller » des choses de mes dix doigts… Puis mes études mes études en Arts Appliqués m’ont ouvert à de nombreux métiers du design, dont le textile. Ça a été une évidence de continuer dans cette voie, l’apprentissage du tissage a confirmé ma volonté de faire ce métier.
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03/Tu as crée ton atelier de tissage, une sorte de laboratoire de design textile toujours à la recherche de nouvelles matières ? Peux tu nous en dire plus ?
Je travaille à partir de matériaux qui ne sont pas généralement appliqués dans le textile. J’expérimente pour trouver le bon tissage, la bonne qualité, la matière la plus aboutie possible. Je travaille sur plusieurs pistes en même temps, qui s’enrichissent les unes les autres. Cela abouti petit à petit à une matériauthèque, que je présente à des architectes, des designers, des stylistes…
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04/Tu as un métier à tisser chez toi, pour créer des tissus et de nouvelles matières, comment procèdes tu ?
Le tissage demande de l’organisation. Tout se fait par étape : d’abord l’ourdissage des fils de chaîne, puis le montage de cette chaîne sur le métier à tisser, l’enfilage de chaque fil, l’empeignage de ces mêmes fils, la tension, et enfin le tissage peut commencer. Les possibilités sont infinies. Les techniques sont traditionnelles, connues depuis longtemps, les gestes sont donc ancestraux, c’est l’association des matériaux par différents « croisements » qui va rendre le tissage plus contemporain.
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05/Pour cette recherche de nouvelles matières, passes tu par le dessin ou directement par la manipulation ?
Un peu des deux, tout dépend du projet, des matériaux utilisés. Parfois c’est évident pour moi et je me lance directement dans le tissage. D’autres fois, je préfère dessiner, faire des maquettes papiers qui me rappellent les bidouillages de mon enfance, mais qui sont d’une aide précieuse pour faire avancer mes idées.
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06/Tes créations évoluent entre commandes, collaborations et initiatives personnelles, quel est le genre de commande auxquelles tu as affaire ?
Chaque projet est différent ! Je travaille la matière, celle-ci peut s’appliquer dans tous les domaines de créations, autant pour de l’objet, de l’espace ou pour la haute couture. Cela fait aussi partie de ce que j’aime dans mon métier. On m’a par exemple commander un grand métrage de mes recherche sur « Réflexion », un tissage satin de fils de métal, sur une chaîne sérigraphiée, pour la réalisation d’une robe, un projet plutôt haute couture donc.
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07/Tu travailles comme responsable de la création de la marque de linge de maison Descamps, comment articules-tu tes journées entre ton travail et ton propre atelier de tissage ?
Je dessine deux collections par an pour Descamps, le rythme est donc plus élevé à un certain moment de l’année, juste avant le rendu de collection. Cela demande de l’organisation et un peu d’efficacité car le tissage est une activité assez chronophage… Ces deux activités sont complémentaires et s’enrichissent l’une et l’autre.
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08/Le prix de la jeune création décerné dernièrement te permet de mettre en avant ton savoir faire et te rendre d’avantage visible, quels sont tes futurs projets ?
L’exposition au 12 Drouot lors de la remise des Prix était ma première exposition en tant que telle, je n’avais jamais pensé mes pièces comme des « œuvres » mais plutôt comme des échantillons me permettant de montrer mon savoir faire. Cette expérience m’a plu et m’a permis de voir mon travail sous un autre angle. J’ai envie de passer à une échelle supérieure au niveau de mes projets, peut être plus architecturale.
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09/Quelles sont tes sources d’inspirations, des artistes que tu aimes dans des domaines différents ?
La base d’inspiration de mon travail est la lumière et ses interactions avec les matériaux que j’utilise. De plus en plus j’ai envie de travailler sur les mythologies de la lumière, les histoires et les symboles qu’elle nous évoque. Je pense que l’astrophysique ne va pas tarder à m’influencer…
Et pour les artistes, j’aime les ciels de Mathias Kiss, le travail graphique de Ray Morimura, les matières de Lex Pott, les histoires de Nacho Carbonnel, les fleurs fantastiques d’Azuma Makoto… J’aime les personnages et les décors des romans de Laurent Gaudé et Jumpa Lahiri, la lumière des films de Terrence Malick…
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10/Quels sont tes derniers voyages ?
11/Tes coups de cœur expo ?
Récemment l’exposition Jeanne Lanvin à Galliera. Les matières sont fabuleuses !
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12/Des bonnes adresses à Paris ou ailleurs à nous révéler ?
Librairie Fishbacher, rue de Seine à Paris. Librairie qui propose des ouvrages merveilleux, notamment sur le textile.
Le Corso Como à Milan, lieu qui est à la fois galerie d’art, restaurant, boutique de mode ultra pointue, hôtel… Et dans le même esprit mais plutôt autour de l’objet, ABC Carpets and Home à New York. J’aime ces lieux qui vous enveloppe dans une atmosphère unique, on a l’impression d’être attendus !
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Article en collaboration avec Ateliers d’Art de France
Morgane Baroghel-Crucq
Designer Textile
http://www.morganebaroghel-crucq.com/
Vous pouvez découvrir les créations de Morgane au Salon Maison & Objet / du 04 au 08 septembre 2015
Technique et sensible. Très beau et très intéressant ! Merci !
De rien !!!
Encore une découverte inspirante, c’est complètement fou. J’ai envie de toucher ces matières, de voir leurs détails, leurs tombés… Merci, merci, ça me fait rêver !
Contente que tu aies apprécié la découverte !!!
On peut dire que tu a l’art de maitriser la photo au point qu’on en devine la douceur des tissus !
Oh merci beaucoup !!!