La rencontre avec Xavier s’est déroulée pendant l’été dans l’atelier qu’il occupe à Strasbourg. C’est ici qu’il crée ses créatures imaginaires dorées dans son grand atelier baigné de lumière. Xavier est doreur ornemaniste. C’est un des six lauréats 2015 du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, organisé par Ateliers d’Art de France. Le métier très traditionnel du doreur ornemaniste prend ici une autre dimension. Les gestes et les outils restent les mêmes depuis des siècles mais il apporte une touche de modernité, de création propre à son univers. Ses créatures sont délicates, parfois drôles, colorées, pimpantes.
Pour comprendre un peu plus son travail, je lui ai posé quelques questions.
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01/Pour commencer, quelle est ta formation professionnelle ?
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J’ai fait des études d’arts plastiques à partir de 2001, dans le but de devenir prof. Et puis au fil des années, la vocation s’est un peu évaporée. J’avais envie d’avoir les mains dans la matière. Je suis entré un jour, un peu par hasard, chez un doreur, restaurateur d’objets dorés, et là, il y a eu comme une révélation. Tout me fascinait : les gestes, les matériaux, les outils, et surtout la quiétude de l’atelier, les objets qui sèchent, la patience nécessaire au bon déroulement des étapes de dorures.
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02/Comment as tu choisi ce métier qui est rare ?
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A partir de là, il a fallu que je trouve un atelier et un maître qui accepte de me former. J’ai cherché pendant un an. Je voulais rester à Strasbourg et je n’avais pas beaucoup le choix : il n’y en avait qu’un qui avait la possibilité de me prendre comme apprenti, un Meilleur Ouvrier de France, spécialisé dans la restauration de monuments historiques. Il m’a dit non pendant un an, faute de place chez lui. J’ai insisté (c’est peu dire) et j’ai fini par entrer chez lui pour faire un CAP de doreur à la feuille ornemaniste. A la suite de cet apprentissage, j’avais envie de création, de faire des objets de toute pièce, en partant du bois brut. J’ai donc décidé de créer mon propre atelier.
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03/La dorure est perçue comme quelque chose de très traditionnelle. Comment as tu réinventé cette façon de voir ce métier dans tes créations ?
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J’essaye de lier les techniques traditionnelles, que j’adore et que je respecte, en modifiant les formes classiques des objets dorés. Toutes mes pièces sont réalisées avec les techniques qu’on utilise pour faire un miroir doré, par exemple. Là où je travaille le plus la recherche, c’est sur la forme, et l’association de matières. Pour créer du contraste, j’utilise de la laine, des cordes de lin, des plumes ou de la fourrure par exemple.
Les masques et les fétiches que je créé depuis 2013 sont une sorte d’hybridation entre arts premiers, ornementation classique et cartoons ou mangas. Ces pièces sont un peu comme des petits dieux du quotidien, ou des divinités imaginaires, sombres ou lumineuses.
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04/Le prix de la jeune création décerné au mois de juin te permet de mettre en avant ton savoir faire et te rendre d’avantage visible , quels sont tes futurs projets ?
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Recevoir le Prix de la Jeune Création Metiers d’Art est à la fois un honneur et une chance. Participer aux salon Maison et Objets et Révélations est tout simplement incroyable ! C’est une vitrine hallucinante que je n’aurais pas pu atteindre avant plusieurs années. Pouvoir montrer mon travail à des professionnels, des collectionneurs, des galeries et un public très sensible aux métiers d’art va forcément changer beaucoup de choses.
Mes futurs projets sont liés à ces salons : rencontrer des galeries pour pouvoir exposer mon travail toute l’année, et développer des pièces de plus en plus grandes, certainement mêler mes création à des pièces plus utilitaires, du mobilier, en réinterprétant les codes du style Louis XV par exemple… À suivre
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05/Quelles sont tes sources d’inspirations, des artistes que tu aimes dans des domaines différents ( photo, musique, art, artisanat…) ?
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Mes sources d’inspiration sont très diverses. Je suis influencé aussi bien par la musique que par la mode ou le design.
En 2009, la musique de Fever Ray et tout l’univers développé autour m’a beaucoup influencé. Je me souviens m’être dit que je voulais que mes créations ressemblent à cette musique.
J’admire aussi énormément le travail de créateurs de mode comme Bernhard Willhelm ou Walter Van Beirendonck.
Je consomme frénétiquement Tumblr et Instagram : je regarde ce flux d’images tous les jours, ce qui créé une sorte de magma d’inspiration.
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06/As tu des points de ventes de tes créations ?
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Je n’ai pas encore de points de vente de mes créations. En revanche, j’exposerai à la galerie French Arts Factory, rue de Seine à Paris du 3 décembre 2015 au 24 janvier 2016.
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07/Quels sont tes derniers voyages ?
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J’ai beaucoup voyagé en Italie ces dernières années (Turin, Venise, Rome, Florence, Naples). Ces voyages sont à chaque fois l’occasion de me confronter à la peinture italienne et notamment celle des peintres primitifs, qui mêlait toujours peinture et dorure, avec une utilisation du motif qui l’influence sans aucun doute.
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Article en collaboration avec Ateliers d’Art de France
Xavier Noël
Doreur – Ornemaniste
http://www.atelierxaviernoel.fr/
Vous pouvez découvrir les créations de Xavier au Salon Révélations au Grand Palais / du 10 au 13 septembre 2015