J’ai rencontré Alison dans l’atelier qu’elle occupe à Kremlin Bicêtre. C’est dans l’atelier Grégoire Scalabre et Pia Van Peteghem un atelier dédié à la céramique crée en 2015 par Pia et Grégoire qu’Alison travaille et expérimente la matière. Alison est une jeune céramiste, jeune diplômée depuis cette année, je suis allée à sa rencontre en lui posant quelques questions sur son métier.
As-tu toujours exercé le métier de céramiste ?
Non, j’ai exercé plein de métiers! Pas mal de jobs étudiants, puis mon premier poste dans une grosse boîte pour laquelle j’ai travaillé des années comme chargée de pub. J’étais derrière un ordi toute la journée, j’ai très vite eu besoin de faire des choses plus créatives. En parallèle, j’ai donc écrit des city guide parisiens pour un webzine qui s’appelait Le Cool, puis j’ai monté Amalgame Magazine avec ma copine Marie et je fais aussi de l’illustration et du graphisme en freelance. Enfin, il y a bientôt 2 ans j’ai décidé de repartir à zéro et après avoir quitté mon poste de chargée de pub, je me suis lancée dans une formation pro de céramique.
Comment tu es passé d’un métier où tu travaillais dans un bureau à ce métier très manuel ? Comment es-tu devenue créatrice ?
Je suis née dans une famille où l’on dessine, lit, bricole, jardine, peint, coud, cuisine…je suis habituée à faire des choses avec mes mains. J’ai longtemps été touche à tout et j’ai essayé de trouver ma voie par différentes expérimentations (je cherche encore d’ailleurs!). Je crois que c’est le dessin, qui m’accompagne depuis presque toujours, qui m’a conduit vers ce métier pour lequel dessiner a un sens pour moi. La pub c’est presque une erreur de parcours, même si j’ai aimé ces années là pour ce qu’elles m’ont appris, je devais assumer que j’étais faite pour autre chose!
Comment procèdes-tu dans la création? Tu dessines d’abord ?
Oui je remplis des carnets de croquis, je dessine toujours avant de démarrer un projet. J’ai du mal à improviser et même si je le fais, il y a toujours un moment où je passe par le dessin, c’est ma base de travail. Je crayonne une forme que j’ai en tête, je multiplie les lignes, je les superpose, je change une courbe, un angle puis j’isole une forme qui se distingue. Ensuite je passe au volume, je fais plusieurs essais jusqu’à ce que la forme et ses proportions fonctionnent. Enfin, il faut faire les recherches de textures et de couleurs, c’est un procédé très long!
Tu travailles majoritairement le grès, au four électrique, peux-tu nous rappeler les étapes du processus d’un objet ?
Il y a d’abord le pétrissage de la terre, qui consiste à la désaérer et à homogénéiser ses particules pour une meilleure plasticité, puis vient le façonnage sur le tour, je centre ma pièce pour lui donner sa forme, sa hauteur, ses lignes. Lorsque je la sors du tour, la pièce est chargée d’eau, je la laisse alors sécher jusqu’à la consistance qu’on appelle « cuir », afin de la tournasser et de lui donner sa forme finale. A ce moment là j’assemble les différents éléments, anses, becs puis je laisse sécher à nouveau très lentement. Vient ensuite la première cuisson que l’on appelle biscuit ou dégourdi, qui vient solidifier la pièce et la préparer à recevoir l’émail. Émail que l’on applique après avoir fait nos pesées et calculs de chimiste! Enfin elle repart pour une deuxième cuisson à trèèèès haute température, environ 1250 degrés et c’est après toutes ces étapes longues et délicates que l’ouverture du deuxième four révèle la pièce finie!
Quel univers cherches-tu à construire au travers de ton travail?
Je suis encore en pleine recherche! Mais je vais naturellement vers des lignes franches, des formes architecturales et un peu décalées, des couleurs neutres. J’essaie aussi de mettre la technique que j’ai apprise au service de mes formes, même si je me lance parfois dans des réalisations un peu complexes, je veux que mes objets restent simples visuellement, qu’ils s’intègrent au quotidien facilement tout en ayant du caractère. Nous sommes entourés de tellement d’objets qu’on ne voit plus ou qu’on ne veut plus voir, je veux faire des objets que l’on choisit avec soin, que l’on s’offre et que l’on garde.
Te considéres-tu comme artisan ou artiste ?
Ma formation est clairement artisanale, pourtant dans chacune de mes pièces il y a ma personnalité. Je cherche, comme beaucoup, à exprimer quelque chose au delà de l’objet, à toucher et à rentrer en contact avec les gens grâce à la pièce. Après est-ce que cela suffit pour parler d’art? Je ne sais pas. De plus, je me sens aussi inspirée par la fonction, ce qui relève davantage du design que de l’art…En fait, la céramique c’est pour moi un moyen d’expression, dans un projet que j’imagine plus vaste et sans frontière. Pourquoi ne pas travailler un jour d’autres matériaux qui viendront s’associer à la céramique! Je ne veux pas m’enfermer dans une petite case.
Beaucoup de choses dans la céramique se produisent grâce à la chimie ? Peux-tu nous en dire plus ? (émail, recherche de couleur, réduction de la masse, poids de la matière pour un objet…)
En effet, il y a beaucoup de choses de l’ordre du ressenti comme le dessin préparatoire d’une pièce, le pétrissage, le centrage, le poids de terre à utiliser ou encore la position de la main, mais il y a aussi beaucoup d’aspects techniques qui sont liés à la cuisson et à la transformation. Lorsqu’une pièce sort du four elle peut être jusqu’à 15% plus petite que lorsqu’elle est crue, il faut prévoir ce retrait lors du façonnage, aussi pour obtenir l’émail il faut jouer les petits chimistes et peser chacun des éléments (oxydes, minéraux…) avec précision et méthode. C’est dans le four que toute la chimie s’opère, c’est assez incroyable de voir les textures et les couleurs apparaitre alors que ce n’était qu’un mélange de poudre blanche quelques heures avant.
Quelles sont tes sources d’inspirations, des artistes que tu aimes dans des domaines différents ?
Je me sens inspirée par le lien entre l’objet et le corps, comme un architecte adapte une construction aux proportions de l’Homme, je pense mes pièces par rapport au corps. Cela permet de créer un lien réel par l’objet avec la personne qui l’utilise. Ce rapport simple à la fonction m’inspire. Je suis aussi inspirée par le paysage urbain, la peinture et plein d’autres choses. Il faut garder ses sens en éveil constamment, par exemple cet été je lisais « Les enfants terribles » de Cocteau, lorsque j’ai refermé le livre de poche j’ai bloqué 15 minutes sur le dessin de Cocteau. Quelques croquis plus tard, mon vase « baiser » prenait forme.
Quant aux artistes, j’adore le travail d’Eduardo Chilida, les noirs de Soulages, les couleurs de Serge Poliakoff, les paysages de Nicolas de Stael, les dessins de Nathalie Du Pasquier, les formes de Arp… j’aime le rythme de Bjork, les compositions de Florence Henri, les films d’Almodovar et tant d’autres!
Où pourra t-on trouver / acheter tes pièces ?
Pour l’instant je travaille sur ma première collection qui va sortir bientôt. J’organiserai sans doute une vente début 2017 et je travaille aussi sur un eshop. En attendant vous pouvez suivre mes travaux sur Instagram et les news sur mon nouveau site.
Quels sont tes derniers voyages ?
C’était en Islande, en 2013 (ça commence à faire longtemps!) c’était court et très intense, j’ai adoré ce voyage. Je me suis sentie toute petite, mais terriblement vivante et surtout très privilégiée. A chaque virage tu peux admirer un paysage différent, accompagné de sa propre météo, c’est hallucinant! Tu traverses des kilomètres de prairie dans la brume glaciale où tu croises 3, 4 moutons, puis tu tombes sur une cascade où un mini arc en ciel pointe son nez en même temps que la douceur d’un rayon de soleil, enfin tu parcours de nouveau quelques kilomètres et te voilà sur une plage de sable noir avec un immense rocher qui trône fièrement et solidement dans les vagues…Pour terminer ta journée, il fait -2° et tu te glisses dans un bain d’eau chaude naturelle, tu lèves les yeux au ciel et tu vois se dessiner une aurore boréale. C’était trop bien! Une nature incroyable et des gens hyper sympas.
Des bonnes adresses à Paris ou ailleurs à nous révéler ?
J’ai longtemps habité rue de Paradis (10ème) et le midi j’adorais aller chez Bulma ou Mussubi, pour un bento. Il y a aussi les délicieux sandwiches falafels du Daily Syrien. Pour un café dans l’aprem le Blackburn coffee ou le jardin du Café A. Enfin pour diner, le Paradis pour ses assiettes raffinées et ses grandes tables, ou les délicieuses pizzas de Lucky Luciano. Pour finir un cocktail chic chez Copperbay, une bière chez Mauri7 ou au Château d’Eau qui a su conserver l’ambiance cosmopolite du quartier.
Alison Thirion
il y a même un jolie vidéo de son travail faite par Marie ici